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Un tracteur et une moissonneuse- batteuse flambant neufs sont garés sous l’auvent d’un vieux bâtiment agricole. Dans la vaste cour boueuse où stationnent quelques véhicules, le chien attaché à sa chaîne n’aboie même pas à l’approche du visiteur. A première vue, rien ne distingue la ferme de Chambrisse de ses voisines, dans la campagne berrichonne, qui reverdit en ce mois de mars. Depuis 2014, ses 1000 hectares sont pourtant la propriété d’un conglomérat chinois présent dans l’agroalimentaire, la chimie, l’immobilier et l’hôtellerie. Entre 2014 et 2016, Reward Group a acquis 1700 hectares de terres à blé dans le département de l’Indre. A la fin de 2017, il a continué ses emplettes avec 900 hectares dans l’Allier.
Après avoir succombé aux charmes du vignoble bordelais, dont ils possèdent 143 châteaux au dernier décompte, mis des billes dans la production de lait en Bretagne ou en Normandie pour en vendre à des consommateurs traumatisés par la crise du lait contaminé à la mélamine, les investisseurs chinois débarquent dans ces campagnes du centre de la France. Elles n’ont pourtant pas la productivité des riches terres de la Beauce. Alors, que viennent-ils y chercher ?
A Châtillon-sur-Indre, la commune où se trouve Chambrisse, l’opération foncière laisse un goût amer. « Si l’hémorragie n’est pas arrêtée, ça va être grave, vous irez chercher votre nourriture là-bas », s’alarme un agriculteur du voisinage. « La Chine a des faiblesses, notamment son industrie agroalimentaire archaïque, mais elle est capable de se nourrir elle-même », rassure l’économiste Jean-Joseph Boillot, auteur de Chindiafrique (Odile Jacob).
Dans le Bordelais, où l’empire du Milieu a commencé à acheter des vignobles il y a une dizaine d’années, l’inquiétude a laissé la place au réalisme du business. Xavier Buffo, directeur général du Château de La Rivière, y travaille depuis plus de vingt ans. Rien n’a changé depuis que le domaine a été racheté, en 2013. « Nous continuons à faire le vin de la même façon, en l’améliorant autant que possible. » Il n’expédie que 20 % de son Fronsac en Chine, où il est notamment servi dans une chaîne hôtelière détenue par sa propriétaire.
« Les acquéreurs sont souvent des entreprises qui disposent d’un réseau de distribution et qui souhaitent diversifier leur offre », explique Laurence Lemaire, auteure de Le Vin, le rouge, la Chine (Sirène Production).
Au Château Richelieu, un autre Fronsac devenu chinois en 2009, 100 % de la production s’envolait jusqu’à présent vers la Chine. « Nous allons passer à 70 %, en visant notamment des cavistes de prestige en France », explique Sylvie Perez, gérante du domaine. Le propriétaire a « une vision de long terme pour son vignoble » et ne veut plus de la classe moyenne chinoise pour seule clientèle.
Hu Keqin, le patron du Reward Group, a dévoilé son jeu après son dernier coup dans l’Allier. Lui aussi a voulu s’acheter la qualité du made in France. Pour « relier le champ français à la table chinoise », le blé de ses fermes doit être transformé en farine haut de gamme. Il a le projet de créer en Chine un marché pour le pain à la française en ouvrant une chaîne de 1500 boulangeries, Chez Blandine. La première boutique a été inaugurée en décembre dernier à Pékin, sous les bienveillants auspices de l’ambassade de France. Dans cette même veine francophile, Reward Group a pris, en juillet 2017, la majorité du capital du producteur de lavande et fabricant de cosmétiques Le Chatelard 1802, dans la Drôme.
L’ambition boulangère de M. Hu lui fait penser que sa propre production de blé ne suffira pas à faire toutes les baguettes et les croissants qu’il veut vendre à ses compatriotes. Il compte sur Axéréal, la coopérative à laquelle il livre ses récoltes dans l’Indre, pour lui fournir les quantités de farine nécessaires. Se présentant comme la première coopérative céréalière française avec ses 13000 adhérents, Axéréal dispose d’une branche spécialisée dans la meunerie et rêve d’exporter ses produits en Chine. Ses boulangers ont formé leurs confrères de Chez Blandine. 50 tonnes de farine ont été expédiées en Chine en 2017. Des discussions sont en cours pour nouer des accords plus étroits.
« Nos coopératives ont besoin de sécuriser le prix d’achat qu’elles paient à leurs adhérents. C’est pourquoi elles ne veulent pas se contenter du marché intérieur français, en proposant des produits à forte valeur ajoutée », explique Damien Lacombe, président de la coopérative laitière Sodiaal. A Carhaix, dans le Finistère, Sodiaal fournit l’usine Synutra de production de poudre de lait, inaugurée en 2016. A La Talaudière, dans la Loire, les commandes de Synutra ont permis à la coopérative de monter une chaîne de production de briquettes de lait infantile.
Dès 2013, la coopérative Isigny Sainte-Mère, dans le Calvados, a fait entrer dans son capital un groupe chinois, Biostime. D’après la dernière note de conjoncture de FranceAgri- Mer, les exportations de poudre de lait écrémé vers la Chine ont décollé de 47 % en 2017, offrant de belles perspectives à ces partenariats.
Dans le Bordelais, certains ont touché le pactole. En effet, 33 % de la production viticole locale part en Chine, Hongkong et Macao compris. Les exportations ont encore battu un record en 2017, avec 717000 hectolitres expédiés, une progression de 13 % sur un an. «Les investissements chinois ont sauvé le marché du bordeaux», assure Michel Veyrier, fondateur de l’agence Vinea, spécialisée dans les ventes de terrains viticoles. Car ils se concentrent sur des bordeaux génériques, qui ne disposent que d’une appellation contrôlée et qui ont le plus de mal à se vendre. A la seule exception du Château Bellefont-Belcier, un grand cru classé de Saint-Emilion que s’est offert en janvier dernier un homme d’affaires de Hongkong.
Autour de l’estuaire de la Gironde, les transactions ont reçu la bénédiction des Safer, organismes chargés de contrôler les transactions sur le foncier rural dans chaque département. Dans l’Indre et dans l’Allier, en revanche, ils ragent d’avoir été contournés. C’est que les transactions portaient sur une majorité des parts des sociétés agricoles exploitant les fermes, alors qu’elles ne peuvent exercer leur droit de préemption que si la totalité des parts change de main. « On a eu connaissance des ventes par le bouche-à-oreille », témoigne Pierre Marnay, directeur de la Safer Auvergne- Rhône-Alpes, à l’époque directeur de la Safer du Centre. Depuis mars 2016, les notaires sont obligés de notifier les cessions partielles. Reste que les Safer aimeraient pouvoir préempter, même dans ce cas.
Bien que les fermes achetées par Reward Group travaillent avec les mêmes techniques que leurs voisines, alternant chaque année blé, orge et colza pour assurer la régénération des sols, elles emploient de simples salariés, qui n’habitent plus sur place. «Ce n’est pas le modèle agricole français, où le cultivateur, qu’il soit propriétaire ou locataire, est maître de ses décisions de gestion », regrette Emmanuel Hyest, président de la fédération des Safer. Quand les champs passent sous le contrôle de sociétés d’investissement, la tendance est à constituer des fermes de plus en plus vastes. « Cela entraîne des phénomènes de domination sur les exploitations de taille plus modeste », accuse Dominique Potier, député PS de Meurtheet- Moselle, auteur, fin 2016, d’une proposition de loi contre l’accaparement des terres. Car il faut de plus en plus de moyens pour acheter du foncier agricole, ce qui affaiblit les exploitations familiales au moment de la transmission, quand il faut partager le patrimoine entre les enfants. Dans l’Indre, les prix sont passés de 6000 euros l’hectare à 10000 euros en moyenne entre 2016 et 2018. La faute aux Chinois ? « Ils ont acheté dans une fourchette haute », témoigne Pierre Marnay. « On ne peut pas les incriminer pour 1700 hectares », relativise Robert Chaze, président de la chambre d’agriculture. La tendance à la hausse du foncier est ancienne, alors que les terres françaises sont parmi les moins chères d’Europe.
« Pour moi, les terres agricoles en France, c’est un investissement stratégique dont dépend notre souveraineté, donc on ne peut pas laisser des centaines d’hectares rachetés par des puissances étrangères sans qu’on sache la finalité de ces rachats », a voulu rassurer Emmanuel Macron, deux jours avant le Salon de l’agriculture. Le gouvernement a promis de mener en 2018 une réflexion sur l’ensemble des outils de régulation du foncier.
Dominique Potier connaît le sujet. Il vient d’être nommé rapporteur d’une mission parlementaire sur la protection du foncier. « Il y a bien plus de Gaulois que de Chinois à profiter des failles juridiques », souligne t-il. « La part des achats de terre par des étrangers atteint péniblement 1 %. Il ne faut pas se faire plus peur que ça avec les Chinois », précise Denis Rochard, professeur de droit rural à l’université de Poitiers et membre du Conseil supérieur du notariat. En matière agroalimentaire, la Chine se montre de fait assez discrète. En 2016, les projets pesaient pour 2% de ses investissements, selon Business France. Contre 14 % dans le commerce ou 8% dans la chimie.
« Le vrai problème, c’est que les agriculteurs ne parviennent plus à vivre de leur terre. Ils n’ont pas envie d’installer leurs enfants. Si ce ne sont pas des étrangers qui rachètent, ce seront d’autres groupes financiers », déplore Daniel Rouillard, de la coordination rurale de l’Indre. « Qu’ils viennent de Paris, d’Angleterre ou de Chine, je ne fais pas de différence entre les investisseurs », tranche depuis son grand bureau Michel Hetroy, le maire de Châtillon-sur-Indre. Alors que sa bourgade se meurt, il cherche sans relâche des entreprises qui ramènent de l’emploi.
Photo d’illustration afp.com/JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN
Edition n°12
Les 155 vignobles français achetés par les Chinois sont décrits : 143 Châteaux de Bordeaux, 10 vignobles en France, 2 Maisons de cognac.
Pourquoi ces vignobles sont-ils en vente ? Pourquoi les Chinois les achètent-ils ?
250 pages et 350 photos de Laurence Lemaire, préfacées par Alain Juppé et Alain Rousset.
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