11 12 15 – Céline Baillet travaille sur le dépôt des marques, l’opposition à l’enregistrement de marques identiques et les opérations de saisie-contrefaçon. Entre autres problématiques, elle accompagne les vignerons français dans la protection et la défense de leurs droits
Rudy Kurniawan, collectionneur et marchand de vins indonésien, vendait des faux Grands crus de vins de Bourgogne pour des produits authentiques aux Etats-Unis. Démasqué par un vigneron de Bourgogne, il a été arrêté en mars 2012 et condamné à 10 ans de prison. Rudy Kurniawan n’a pas la nationalité américaine, et une demande d’asile lui a été refusée avec ordre de quitter le pays avant avril 2003. Il a pourtant obtenu des prêts de plusieurs millions de dollars. Fraude électronique, fraude postale et vente de contrefaçons ont été retenues contre lui.
Entre autres problématiques, Céline accompagne les vignerons français dans la protection et la défense de leurs droits :
– Défendent-ils efficacement le nom de leur château ?
– Leur marque est-elle protégée en Chine ?
– Leurs relations contractuelles avec leur distributeur sont-elles sécurisées ?
Étonnantes photos prise lors du salon de Jinan dans la province de Shandong, en octobre 2010. Le vin de Bordeaux est en appellation Languedoc et mis en bouteille à Beaune (3 régions françaises différentes) comme le Chatreal Cheval Blanc du Languedoc, une propriété qui n’existe pas © Olivier Lebaron
Le négociant souhaite envoyer un vin en Chine et le propriétaire doit protéger sa marque avant le départ des bouteilles.
«Pour déposer la marque, je vérifie auprès de l’Office chinois (National) que le nom est libre, me dit Céline Baillet. Si c’est le cas je procède au dépôt et l’Office chinois enregistre la marque. Cela coûte au viticulteur environ 1000 € pour 10 ans. Malheureusement, dans 95 % des cas, je m’aperçois qu’elle est déjà enregistrée en Chine, en langue française et chinoise.»
– Un Chinois dépose donc un nom de château sans même le connaître ?
«Oui, et c’est un particulier ou l’importateur-distributeur si le vin a déjà été commercialisé par lui : en déposant la marque, l’importateur se protège afin que le Château soit obligé de passer par lui pour vendre son vin sous son nom. Juridiquement c’est lui qui est propriétaire de la marque et pas le viticulteur français.»
– Le Français peut-il racheter sa marque ?
«Oui. Mais c’est compliqué et c’est très cher. Le Chinois qui travaille dans le vin préfère faire du business à long terme, rester propriétaire de la marque et continuer de vendre le vin du Château. D’autres Chinois, qui n’ont rien à voir avec les domaines viticoles, enregistrent des marques de vins pour les revendre aux propriétaires. Pour nous, Français, ce sont des dépôts ‘’frauduleux’’ car c’est une forme de racket. Je tente donc d’informer l’Office chinois qu’un dépôt n’aurait jamais dû être accepté, mais seuls les Grands vins ont gain de cause. Il faut donc négocier avec le propriétaire de la marque.»
– Le viticulteur peut changer la marque de son vin, la déposer par tes soins en Chine, puis vendre son vin avec son nouveau nom.
«Si son vin avec son nom d’origine est déjà connu en Chine ce n’est pas une bonne idée. C’est pourquoi certains vignerons prennent le risque de vendre leur vin sans être propriétaire du ‘’nom’’ de leur Château. Ils sont alors des ‘’contrefacteurs’’, ils attendent d’être contactés par le détenteur de leur marque pour négocier. En revanche, si le vin d’un viticulteur n’est pas connu en Chine, je lui conseille de changer son nom et de faire des étiquettes spécialement pour le marché chinois.»
C’est ce qu’a fait Madame Cheung pour la production de son château Listran, devenu l’Estran.
En 2010, à quelques jours d’annoncer l’installation en Chine du caviste bien connu en France : Nicolas, le groupe français Castel a appris qu’une femme d’affaires avait déposé son nom Nicolas en caractère latin ; elle avait même ouvert des magasins dans le Sud de la Chine et près de Shanghai. Alain Castel a dû engager une procédure pour enregistrement de mauvaise foi.
– Il faut donc faire enregistrer sa marque avant la première exportation.
«Bien sûr, et un dépôt pour la Chine continentale, un dépôt pour Hong Kong, un autre pour Macao et un autre pour Taiwan. Il faut déposer sa marque en caractère latin puis décider de sa traduction en idéogrammes pour l’apposer : c’est obligatoire sur la contre-étiquette chinoise. Il est préférable que tous les interlocuteurs chinois (importateurs et distributeurs) acceptent une seule traduction en caractères chinois ; cette reconnaissance et l’association de la marque latine à sa traduction favoriseront la communication et la vente du vin.»
– Les vins Français sont-ils les plus touchés par ce ‘’commerce’’ ?
«Oui. Sauf les grands vins français et les grands groupes qui se sont protégés depuis leur première exportation.»
– Et les étiquettes ?
«Celles qui sont les plus représentatives sont déposées également, comme le galion du château Beychevelle et celles du château Mouton Rothschild par exemple.»
– Les exportations ralentissent. Les prix baissent.
«Les Chinois apprennent à boire du vin. Si le Français offre du champagne pour une belle occasion, le Chinois offre une bouteille de Bordeaux.»
La contrefaçon, la ‘’copie du maître’’, est la rançon de la gloire.
Le gouvernement chinois est très actif pour retirer de son marché des produits illicites et condamner les contrefacteurs. En avril 2014, la Chine a lancé une procédure de reconnaissance de l’indication géographique “Bordeaux” : l’appellation est enfin reconnue ; c’est une protection pour les bouteilles françaises victimes de contrefaçons à l’étranger.
Inlex Céline Baillet cbaillet@inlex.com Tél : + 33 (0) 5 67 80 10 88
Jean-Baptiste Thial de Bordenave, avocat collaborateur de Inlex, me disait : «le premier indice pour constater une contrefaçon c’est le prix peu élevé d’une bouteille qui affiche pourtant l’étiquette d’un château prestigieux.»
Office chinois des marques www.chinatrademarkoffice.com
Texte extrait de le Vin, le Rouge, la Chine sur les investissements des Chinois dans les vignobles français : les 122 domaines sont décrits. 243 pages et 352 photos de Laurence Lemaire, préfacées par Alain Juppé et Alain Rousset. Version papier et sa numérique 8€ seulement sur www.levinlerougelachine.com