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Les premières cueillettes des thés primeurs 2015 ont été intensément aromatiques et recherchées pour la finesse de leur goût ; ses jeunes bourgeons furent pleins de saveurs. En Chine, les cueillettes de ces thés s’échelonnent par 4 quinzaines ; elles suivent les 24 phases du calendrier lunaire ancestral qui régit les travaux des champs depuis des millénaires, et bien sûr la météo et ses caprices, la fraîcheur, les pluies rares… Mais en principe les 4 dates sont les suivantes :
avant Qing Ming, la fête de la pure lumière du 5 avril
avant Gu Yu, la pluie des céréales du 20 avril
après les pluies du Gu Yu et jusqu’au 6 mai
avant Li Xia, l’arrivée de l’été fixée au 21 mai.
Sur le marché en France nous trouvons des thés verts : le Long Jing, aux fines feuilles plates est devenu presque un classique, comme le Mao Feng et le Bi Luo Chun, un thé rare et cher.
Parmi les nouveautés figurent les thés de Pu’er de la province du Yunnan, habitée par les ethnies Dai et les Wa, entre autres. C’est l’une des seule variété de thé qui se bonifie en vieillissant. Ses bienfaits : la digestion, l’assimilation des graisses et la baisse du taux de cholestérol et de triglycérides. Ce thé est disponible en France, notamment grâce à deux jeunes Français : William Osmont, ingénieur agronome : «Nous importons du thé Pu’er que nous obtenons auprès de petits producteurs du Yunnan. Basés dans le Sud de la France et pouvons livrer dans le monde entier .»
bannachamail@gmail.com et Olivier Schneider : «Le goût du thé continue de se développer en bouche et dans le nez après la dégustation.» Tous les Pu’er n’ont pas le même potentiel de vieillissement. «Depuis 2009, la notion de grands terroirs a émergé, poursuit Olivier Schneider. Dans les années 1970, les Chinois ont mis au point une méthode de vieillissement accélérée : des galettes de quelques mois ont été vendues pour des thés très anciens. Il faut posséder un nez et un palais avertis pour distinguer un Pu’er bonifié par le temps dont la post fermentation a pris plusieurs années, à un autre, une copie soumise à l’artifice humain.»
Dans la noble famille chinoise de maître Tseng, le thé est un rituel ancestral qu’elle a étudié depuis son jeune âge. Pour trouver les plus précieux, elle mène une enquête dans les villages de Chine : photo dans sa boutique de la place Monge à Paris. Cette »œnologue » est sollicitée aux 4 coins du monde ; elle repère et classe les crus et les producteurs les plus haut de gamme. A l’automne 2013, à Canton, un Pu’er Fu Yuan Chang de plus de 80 ans a été adjugé à 1,25 millions d’euros les 2,1 kilos, soit 595 € le gramme. Maître Tseng avoue : «Apprendre à déguster les thés verts, rouges ou wulong n’est pas si difficile, mais les Pu’er, il faut toute une vie pour les comprendre.»
Le thé de Pu’er est pour nous français, aussi difficile à apprécier qu’un vin de Pétrus pour un Chinois.
Le thé est une plante d’origine chinoise. Il a été importé de Chine au XVIème siècle par les commerçants portugais puis par les Jésuites. Grâce aux Hollandais présent à Bordeaux, le thé a gagné ses Salons au XVIIème siècle. Noir, vert, rouge ou blanc, il se déclinait en une palette de couleurs et d’arômes subtils aux vertus variées. Au début du XIXème siècle, la Chine était l’unique producteur de thé ; les Britanniques en achetaient d’énormes quantités, mais les conditions commerciales des Chinois étant trop strictes; les Anglais ont donc pris des théiers chinois et le savoir-faire nécessaire à la création de plantations en Inde. Ils se sont débarrassés de la Chine, ce fournisseur unique et peu coopératif à leurs yeux (cf la guerre de l’opium). Aujourd’hui, l’Inde est le 1er pays producteur de thé.
Comme les grands vins, le goût du thé est déterminé par son terroir ; tous deux se bonifient avec le temps. Comme la décantation d’une bouteille de vin, la préparation du thé est cérémoniale. Quant à la dégustation, les vins et les thés éveillent les humeurs et les pensées sages, rafraîchissent le corps et apaisent l’esprit.
Les tanins sont dans la peau et le pépin du raisin ; ils permettent une meilleure conservation du vin ; ils donnent ce côté rugueux, cette astringence, cette amertume. Les tanins du thé se libèrent au bout de 3 minutes d’infusion : le thé est alors plus fort en goût, moins excitant et ses vertus antioxydants se développent.
Il existe des routes des thés comme des routes des vins. Pour déguster les deux boissons on évoque les mêmes saveurs de fruits ou de légumes, l’aspect tannique, la longueur en bouche… Le vin blanc se boit généralement plus jeune que le vin rouge, et le thé vert se boit plus jeune que le thé fermenté.
En octobre 2012, le maire de la ville de Libourne Philippe Buisson a réuni les syndicats des vins de Saint-Émilion, Pomerol, Lalande-de-Pomerol et Fronsac, pour les jumeler avec la capitale du thé en Chine : Pu’er. En novembre 2012, la Maison des vins de Saint-Émilion a accueilli les Chinois de Pu’er pour une dégustation des vins du Libournais. Les époux Kok qui plantent ce thé, étaient présents et ont acheté Château de La Rivière. Lam Kok (décédé depuis) présidait le groupe hongkongais Brilliant spécialisé dans l’immobilier de luxe, et depuis 1994 dans le négoce de thés de prestige : le Pure Pu’er. Son château de La Rivière, en appellation Fronsac, est devenu un lieu d’échanges culturels franco-chinois autour du vin et du thé. Le 17 juin 2013, le vice-maire de Pu’er a organisé une somptueuse cérémonie de thé à la mairie de Libourne.
«Le thé a d’abord été une médication et c’est le bouddhisme qui l’a sauvé. Et le vin antique aurait disparu s’il n’y avait pas eu le christianisme» souligne Jean-Paul Desroches, commissaire de l’exposition Le thé et le vin : une passion partagée ; cette exposition a été vernie le 17 mai 2014 dans la maison des Arts Yishu 8 de Pékin. Parmi les pièces maîtresses figurait un oreiller en céramique remontant à la dynastie des Song du Nord, qui porte l’inscription suivante : « Pour chasser la mélancolie, rien de meilleur que le vin. Pour détruire les illusions, rien n’égale le thé« .
Textes extraits de le Vin, le Rouge, la Chine , livre sur les investissements des Chinois dans les vignobles français : les 112 domaines sont décrits. 232 pages et 350 photos de Laurence Lemaire, préfacées par Alain Juppé et Alain Rousset. Versions papier 20€ et numérique 8€ seulement, sur www.levinlerougelachine.com