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20 08 15 – Le secteur laitier en Chine poursuit sa course au gigantisme, aidé par l’Etat : les fermes chinoises investissent dans l’hygiène et la technologie afin de redonner confiance à leur clientèle
Lorsqu’ils arrêtent de boire le lait maternel, la plupart des Asiatiques ne fabriquent plus l’enzyme permettant de digérer le lactose.
En 2002, les Chinois ne buvaient que 7 litres de lait par an, pour 80 litres de moyenne mondiale. Ils achetaient de la poudre de lait en France et la reconstituaient avec de l’eau ; il y avait peu de lait frais parce qu’il n’y avait pas de vaches.
Le Gouvernement a obligé les enfants à boire un verre de lait à l’école; les parents suivaient et buvaient eux-aussi pour se fortifier les os et moins casser leurs articulations ; ils n’avaient pas d’autres sources de calcium et cela posait des vrais problèmes de santé aux 50 ans et plus.
La nourriture a toujours été l’obsession du Chinois.
Après des décennies de rationnement, le passage d’une alimentation simple à une forme d’abondance culinaire est délicate : il y a 30 ans, le repas habituel était moins gras car l’huile était rationnée ; aujourd’hui les fast-food sont massivement implantés ; les rayons de supermarchés regorgent de bonbons, chocolat et chips ; les citadins passent d’un mode de vie actif à un mode plus sédentaire, troquant leur vélo contre le métro et renonçant à la traditionnelle promenade du soir pour un programme télé.
La Chine compte aujourd’hui des dizaines de milliers d’obèses, alors qu’il y a à peine 20 ans, seulement un Chinois sur 10 présentait une surcharge pondérale.
Il y a 10 ans, le rayon des fromages ne proposait que du tofu (pâte à base de haricot de soja), la Vache qui rit faite en Chine avec l’Arc de triomphe parisien sur le couvercle, des boîtes sous vide de brie et de camembert d’Australie. Les crackers avaient –30% de matière grasse parce que 30% d’enfants étaient gros, leur organisme n’étant pas adapté au Mac Do et au coca. Les femmes ont une ossature plus fine que l’occidentale et sa moindre rondeur est épuisante.
L’origine de la vache chinoise, c’est la laitière normande noire et blanche ; le cheptel est élevé en Mongolie intérieure. En 2006, une quinzaine de marques de lait tirait son épingle du jeu d’un marché agressif où tous les coups étaient permis. Cela pesait sur la qualité.
En 2008, certains lots de lait de vache et de lait infantile, produits en Chine, ont contenu pendant 10 mois de la mélamine afin qu’ils apparaissent plus riches en protéines. De plus, des lots impropres à la consommation, vendus aux deux-tiers du cours, ont été maquillés en lots répondants aux normes sanitaires. Les plaintes des malades ont été étouffées par les producteurs et les élus locaux jusqu’à ce qu’un importateur néo-zélandais découvre la toxicité du lait lors d’un contrôle de qualité poussé. L’ensemble du scandale a été rigoureusement censuré par le gouvernement chinois.
La fin de la politique de l’enfant unique ne provoquera pas un accroissement fort de la natalité : 70% des femmes chinoises ne veulent pas d’un 2ème enfant car son coût est trop élevé.
En revanche, certains comportements spécifiques à ces femmes chinoises devraient jouer en faveur du marché du lait : la césarienne est adoptée par les catégories aisées car la date de naissance joue un rôle important dans l’avenir de l’individu chinois ; et les enfants qui naissent par césarienne ont besoin de lait enrichis. De plus, les chinoises allaitent moins et moins longtemps. Et les industriels proposent des laits spécifiques pour contrer le développement d’allergies provoqué par la pollution du pays.
En 2014, 7 millions de vaches produisaient du lait en Chine ; la consommation de produits laitiers a fait un bond de 317 % entre 1998 et 2013.
Mais 200 millions de petits fermiers chinois sont peu rémunérés et des filières encore mal structurées ; il manquerait 100 000 inspecteurs sanitaires en Chine : 15 % par an des consommateurs seraient victimes d’intoxication alimentaire. Les classes moyennes chinoises, et aisées en plein essor, consomment de plus en plus de produits agro-alimentaires importés plus onéreux, car ils sont synonymes de sécurité sanitaire (le lait de la marque allemande Muh se vend 0,65 € le litre en Allemagne, et 3,5 € le litre en Chine).
2016 : dans le Finistère à Carhaix (photo), un géant de l’agro-industrie chinoise construit une usine de poudre de lait infantile :
un investissement de 100 millions d’euros dont 90 % par l’entreprise chinoise Synutra présidée par Liang Zhang, et 10 % par Sodiaal, 1ère coopérative laitière française (Candia). Christian Troadec, maire de Carhaix et fondateur du festival des Vieilles charrues, a déroulé le tapis rouge en décembre 2014 car 280 millions de litres de lait qui seraient mis en poudre c’est 6 % de la production annuelle bretonne. 700 producteurs seraient concernés. «L’équipe opérationnelle sera française, les ouvriers seront recrutés à proximité », déclarait François Musellec, directeur de l’usine Synutra. « Nous sommes sûrs de trouver suffisamment de lait en France, et d’une qualité irréprochable pour garantir la sécurité des enfants chinois.», expliquait Xisen Mu, directeur de la production Synutra international. Son PDG assurait : «Vous avez un lait de haute qualité, l’avenir est donc ici. On dit que le lait français est cher mais, à l’avenir, il sera plus compétitif.» Malgré la promesse d’un prix d’achat intéressant du lait, ces propos ne rassuraient pas tous les éleveurs : «On n’a aucune idée de la nature du contrat signé entre Sodiaal et Synutra, explique le producteur Pascal Prigent. Nous aurions préféré une consultation en amont afin de garder la maîtrise de l’outil de transformation.»
Depuis l’été 2015, dans les supermarchés chinois, le lait longue conservation Candia, produit par Sodiaal, porte le label Syndilait et la mention Lait collecté et conditionné en France. Il est produit dans les 5 usines françaises de Candia. A suivre en 2016…
En juillet 2015, Nutribio, filiale de Sodiaal, a signé avec l’entreprise chinoise Century International Trading un partenariat pour la fourniture et la distribution en Chine du lait infantile bio Nactalia, 100 % fabriquée et conditionnée en France à partir de lait collecté auprès des producteurs de la coopérative Sodiaal.
En France c’est la course à la compétition : la coopérative normande Isigny-Sainte-Mère et la société chinoise Biostime ont inauguré le 12 juin 2015 leur nouvelle usine de poudre de lait infantile. Quant à Danone il reste le 3ème acteur du lait infantile en Chine malgré le scandale de 2008..
Jusqu’à présent, la plus grande ferme de Chine se situait dans le Dongbei avec 40 000 têtes. Aujourd’hui, le groupe Zhongding, fondé en 2013 par Sun Guoqiang, monte une ferme dans le Heilongjiang en partenariat avec la région sibérienne de Severny Bur : pas moins de 100 000 vaches. Son fourrage proviendra de 100 000 hectares cultivés de part et d’autre de la frontière. Une partie de son lait ira en Russie. Chaque vache ne produit que 10 litres par jour, indice d’une pauvre nutrition, mais pour l’investisseur russe, cette ferme a un atout imbattable : elle reste hors de l’embargo occidental, et peut faire venir du Brésil ou d’ailleurs les protéines et tourteaux d’oléagineux manquants.
En Chine, c’est donc la ‘’bataille du lait’’ dans un pays qui, jusqu’en 1990, n’avait ‘’jamais bu de lait’’.
Un verre de lait et un verre de vin par jour seront-ils le nouveau French paradox chinois ?
Lire le Vin, le Rouge, la Chine sur les investissements des Chinois dans les vignobles français : les 114 domaines sont décrits. 232 pages et 350 photos de Laurence Lemaire, préfacées par Alain Juppé et Alain Rousset. Versions papier 20€ et numérique 8€ seulement, sur www.levinlerougelachine.com