03 11 15 – Un Français devient Chinois pour être reconnu : l’artiste Tao Hongjing, exposé à Tokyo, Paris et New York, est chinois. Vous l’avez cru ? Vous aviez tort.
Voyez aussi les autres artistes bien chinois
L’artiste est en fait originaire de Nantes. Alexandre Ouairy a 36 ans ; il a été formé aux Beaux-Arts de Grenoble. En 2000, il est allé à Shanghai et exposa, sans succès. « Les collectionneurs étaient surtout étrangers, dit-il et ils voulaient acheter chinois, car pour eux c’était un bon investissement. »
Au début des années 1990, les galeries se sont timidement installées à Pékin, comme la Red Gate Gallery créée par l’australien Brian Wallace en 1991. Progressivement des artistes chinois ont quitté leurs villages pour investir la ville. Le 798 est devenu le quartier artistique de Pékin en 2001, à l’emplacement d’une ancienne usine.
En 2005, Alexandre Ouairy et son galeriste ont créé la supercherie, ont inventé le chinois Tao Hongjing – nom d’un philosophe du Vème siècle qui maniait l’ironie.
« S’ils fabriquent des faux sacs, pourquoi ne fabriquerais-je pas un faux artiste chinois ? ». Avec ses yeux bleus, sa peau blanche et ses cheveux châtains, Alexandre est plutôt associé aux lao wai, surnom pour les occidentaux en Chine. Mais Que nenni : du jour au lendemain, Tao Hongjing vend 2 œuvres par mois. Le prix de ses créations explosa : 29 000 euros pour une sculpture en céramique. L’intérêt des collectionneurs et des médias obligeait Alexandre à rester anonyme ; son galeriste chinois répondait aux interviews à sa place.
Puis Alexandre Ouairy s’est dévoilé. Tao Hongjing n’est plus. « L’art conceptuel, mon domaine, suscite beaucoup plus d’intérêt qu’il y a dix ans, les différences culturelles s’étant estompées entre Chinois et étrangers. J’ai désormais acquis une notoriété suffisante », dit-il.
Il a joué avec le marché et les stéréotypes pendant 10 ans. Il a exploité sa blague. Dépassé aujourd’hui et fatigué.
Alexandre Ouairy devant ses peintures à Pékin © AFP/ Greg Baker
La nationalité chinoise compte, certes : 17 d’entre eux figurent au top 50 mondial de l’Art (par chiffre d’affaires aux enchères publiques). Les artistes chinois représentent 21 % des recettes mondiales de l’art contemporain.
En 2012 la Chine est devenue le 1er marché mondial de l’art. Les œuvres chinoises traditionnelles ou contemporaines ont atteint des sommets.
– Ai Weiwei, né à Pékin en 1957 était en résidence surveillée à Pékin jusqu’en juillet 2015 et sous le coup d’une procédure pour fraude fiscale. Exposé au Jeu de Paume à Paris, il reste relativement inconnu en Chine d’autant qu’il ne peut pas s’y produire. Au 798 de Pékin, Ai Weiwei a imaginé l’architecture en blocs de brique qui abrite des galeries renommées aujourd’hui, comme ShanghART, Urs Meile et Fine Art. Photo ci-dessus : en 2009 installation de 9000 sacs d’écoliers en souvenir des enfants écrasés dans leurs écoles mal construites pour cause de corruption.
– Zhang Xiaogang, né à Kunming en 1958, est célèbre pour ses portraits de familles chinoises. Photo ci-dessus The Big Family. En avril 2011, son tableau Forever Lasting Love a été attribué pour 6 337 800 euros, devenant la 4ème œuvre vendue la plus chère de l’année.
– Yue Minjun, né en 1962, a popularisé l’art contemporain chinois. Ses visages hilares sont immédiatement reconnaissables.
Il reproduit ses sourires à foison et profite du système. Photos ci-dessus L’arche de Noë. et Exécution (1995) : pas d’armes, pas d’éclaboussures sur les murs rouges évoquant ceux de la Cité Interdite, mais des sourires qui suscitent un profond trouble. On pense qu’il peint la répression du mouvement démocratique de la place Tienanmen de 1989, et la peine de mort surtout…
Officiellement, Yue Minjun évoque le tableau de Edouard Manet, en photo ci-dessus, l’Exécution de Maximilien, lui-même inspiré de Tres de Mayo de Goya, photo ci-dessous.
Cette référence le mettrait en danger en Chine. Politique ou pas, son tableau s’est vendu en 2007 chez Sotheby’s pour 3,7 millions d’euros.
The Massacre at Chios a été vendue 4,1 millions d’euros ; elle emprunte son nom à une toile de Delacroix représentant l’évènement de 1822 dans l’histoire grecque.
– Zeng Fanzhi, né à Wuhan en 1964, est célèbre pour ses portraits grimaçants, photo ci-dessus La Cène 2002. Ses œuvres ont été vendues pour 40 millions d’euros en 2010 et 2011.
– Yan Pei-Ming, né à Shanghai en 1960, peint des portraits monumentaux superbes. Photo ci-dessus : le photographe Gérard Rancinan met en scène le peintre.
Lire mon article Yan Pei-Ming expose à Paris du 1er octobre 2019 au 12 janvier 2020 au Musée d’Orsay https://www.hebdovinchine.com/yan-pei-ming-expose-paris-gustave-courbet/
– Fang Lijun, né à Handan en 1963, est l’initiateur du réalisme cynique.
– Song Dong, né en 1966, est à l’avant-garde de la création vidéo et photographique.
– Wang Guangyi, né à Harbin en 1957, fait de la pop politique. Il utilise et détourne l’image de Mao et et profite, lui aussi, du système. Photo ci-dessus Campbell’s Soup.
– Les obèses délirants de Mu Boyan, né à Jinan en 1976, sont une version du politiquement incorrect. Photo ci-dessus Nu du XXIème siècle.
– Il y a aussi Zhou Chunya, Ye Yongqing, Li Jikai, Ling Jian, Luo Wei, Ma Dan, Guo Jian, Liu Ye, Liu Xiaodong, et
il y a aussi Liu Bolin : lire mon article https://www.hebdovinchine.com/liu-bolin-artiste-chinois/
et Le Top 10 des artistes contemporains chinois https://www.hebdovinchine.com/top-10-artistes-contemporains-chinois/
les ventes publiques chinoises, qui avaient progressé de +214 % entre 2009 et 2014, enregistrent un ralentissement sur la 1ère moitié de l’année 2015. Le nombre de lots vendus a ainsi baissé de -39 %. La croissance chinoise est freinée mais cette baisse s’explique en partie par les mesures anti-corruption.
Les collectionneurs chinois ont constitué d’immenses collections de grande qualité. On compte aujourd’hui plus de 500 musées privés en Chine, une sorte de ”Florence du XVIème siècle” à la chinoise.
La chaine française LCP a diffusé un reportage sur les artistes dissidents, le 17 novembre 2015.
Lire le Vin, le Rouge, la Chine sur les investissements des Chinois dans les vignobles français. 242 pages et 350 photos de Laurence Lemaire, préfacées par Alain Juppé et Alain Rousset. www.levinlerougelachine.com