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C’est le discours de Alain Juppé le 7 janvier 2015 : «La France tout entière est bouleversée. Chacune et chacun d’entre nous a une pensée pour les victimes du terrible attentat qui vient d’être perpétré au cœur de Paris, nous partageons tous la peine immense de leurs familles. A travers leurs personnes, celle des dessinateurs Cabu, Wolinski, Charb, Tignous, des journalistes, des policiers qui étaient en faction devant le siège de Charlie Hebdo, ce sont nos libertés les plus fondamentales qui sont attaquées : la liberté d’expression, la liberté de pensée, la liberté de la presse, le cœur des libertés républicaines et de la démocratie.
Face à un tel défi, c’est d’abord la fermeté de la riposte, la détermination de l’action qui s’imposent. Il appartient au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires. D’abord pour identifier, arrêter, punir les assassins. Ensuite pour renforcer le dispositif de prévention et de précaution. Tous les moyens de renseignement doivent notamment être mobilisés.
Autour de ses dirigeants, c’est la Nation tout entière qui doit s’unir et se mobiliser. En un tel moment, les divergences ou les critiques doivent s’effacer derrière le sursaut collectif du sang-froid et du courage. Je sais que les Français sont capables d’un tel mouvement d’unité.
Nous savions que nos démocraties étaient engagées dans un affrontement avec le fanatisme, la barbarie, le terrorisme. Elles mènent déjà ce combat sur le terrain du Moyen-Orient. Le voici qui s’installe chez nous. L’affrontement sera sans merci, de longue haleine, mais nous le gagnerons parce que c’est notre «être» même qui est en cause. »
En Chine comme ailleurs, il a été impossible de passer sous silence l’attentat chez Charlie Hebdo. Mais comment en rendre compte sans entrer de plain-pied dans le débat sur la liberté d’expression ? Pékin a condamné sans ambages l’attaque «barbare» contre Charlie Hebdo mais les Autorités faisaient un parallèle avec sa province musulmane du Xinjiang ; elles estimaient qu’il faut «s’interroger sur le contenu des dessins» du journal satirique, lesquels ont pu «heurter certains groupes musulmans». Pour de nombreux médias chinois, l’approche s’est voulue factuelle, avec le déroulé des événements, quelques encarts pour expliquer qui est Charlie Hebdo et des éléments d’analyse autour de la menace que représente le terrorisme islamiste : c’est une thématique chère à la Chine en raison des attaques perpétrées sur son sol par une frange radicalisée de la minorité ouïgoure de confession musulmane. Le Parlement d’Urumqi, capitale de cette province du Xinjiang à majorité musulmane, interdit aux femmes le port du voile dans les lieux publics et aux hommes celui de la barbe, ce qui exacerbe les tensions à l’Ouest du pays.
Le Quotidien du Peuple, principal journal du Parti communiste, s’est bien gardé de faire son éditorial ou son titre de Une sur le massacre à Charlie Hebdo. Le journal nationaliste Global Times écrivait : «les musulmans sont en position de faiblesse en Occident, par conséquent il convient de ménager leur sensibilité», et se moquait des dirigeants politiques occidentaux qui n’osent pas encadrer la liberté d’expression et contrôler leurs médias par peur de voir leur popularité en pâtir ; l’éditorialiste écrivait : «La lutte contre le terrorisme implique un haut niveau de solidarité au sein de la communauté internationale. Le monde est toujours uni quand il s’agit de réagir à des attaques qui se produisent en Occident. Mais quand c’est au tour de l’Occident de réagir à de telles attaques en Chine et en Russie, celui-ci tourne souvent autour du pot.» En clair, quand la presse occidentale évoque les violences dans la province chinoise du Xinjiang, elle «met des guillemets pour décrire ces événements sanglants disant qu’il s’agit d’une affirmation du gouvernement chinois». Global Times poursuivait : «Ce que Charlie Hebdo a publié n’est pas tout à fait défendable et il est compréhensible que certains musulmans se sentent blessés par les dessins du magazine», et le journal s’empressait de préciser : «Cela ne justifie en rien une telle attaque qui a dépassé les bornes civiles de toutes les sociétés». Le commentateur Song Luzheng, basé en France, écrivait : «Si on regarde le résultat, on voit que la liberté de la presse n’aide pas à résoudre le conflit, mais au contraire l’attise.» Puis : «Nous avons de la chance de ne pas avoir ce genre de liberté de la presse en Chine.» Sur la blogosphère, la tonalité est toujours à deux vitesses : le sujet est devenu important. Les nombreux dessins de soutien à Charlie Hebdo ont été téléchargés sur Weibo le Twitter chinois, comme sur Wechat l’application sur téléphone mobile ; «Je suis Charlie» n’a pas été censuré. Bien que l’idée que la provocation radicale est contre-productive ait été relayée par de nombreux internautes, le point de vue contraire s’est exprimé avec des formulations tout en doigté : certains internautes chinois constataient que les journalistes décédés avaient tout simplement «de la sympathie pour les faibles et criaient contre l’injustice en utilisant leurs pinceaux pour donner le sourire aux gens». D’autres écrivaient : «si d’autres gens t’insultent tu peux fièrement leur répondre par l’insulte, et si on te frappe du poing, réponds par des coups de pied». Un internaute jugeait qu’en débattant des limites de la liberté de la presse, on se trompe de question car il s’agit plutôt «de savoir limiter la colère et l’esprit de vengeance des assaillants.»
De Pékin, notre correspondant Eric Meyer rapportait : «La Chine a condamné durement l’attentat et »condamne résolument le terrorisme sous toutes ses formes ». La Chine soutient les efforts de la France pour sauvegarder »la sécurité du pays mais non la liberté d’expression. »»
Photo ci-dessus : l’équipe de l’AFP à Hong Kong.
En conclusion, dans la presse chinoise et sur internet le régime s’est démarqué : sympathie oui, solidarité non. Ainsi les leaders chinois ne se sont pas associés à la Marche républicaine de Paris, aux cotés de plusieurs chefs d’Etat.
A Kunming, capitale de la province du Yunnan, 29 personnes ont été tuées par des terroristes islamiques le 1er mars 2014 ; la Chine avait découragé toute manifestation de soutien par crainte de débordements ; aucune mobilisation étrangère n’a pu s’exprimer.
A Paris le 11 janvier 2015, la présence du palestinien Mahmoud Abbas près de l’israélien Benjamin Netanyahou était un symbole d’union pour la paix mondiale face au terrorisme. Cette Marche a uni le monde. Et pendant ce temps-là, la Chine était obligée, par son idéologie, de s’en tenir à l’écart.
A Hong Kong, l’Alliance française organisait le jeudi 26 février 2015 une projection du documentaire « C’est dur d’être aimé par des cons » de Daniel Leconte; ce film relate le procès intenté en 2007 contre Charlie Hebdo suite à la publication de caricatures de Mahomet.
Lire l’article sur http://www.sudouest.fr/2015/01/08/charlie-hebdo-une-vague-d-indignation-et-de-soutien-dans-le-monde-entier-1790414-4803.php
et regarder le superbe concert à Londres
http://www.francemusique.fr/actu-musicale/charlie-hebdo-londres-l-hommage-de-plus-de-150-musiciens-jouant-l-adagio-de-barber-74573
Vers 14 h le 7 janvier 2015 la mairie de Bordeaux s’est associée à l’appel lancé par le Club de la presse : présidé par Pierre Sauvey, il condamne sans réserve l’attentat meurtrier commis contre Charlie-Hebdo. «Quand on tue un journaliste parce qu’il est journaliste, c’est aussi la liberté de la presse que l’on assassine.» Le Club de la Presse de Bordeaux a appelé à un rassemblement confraternel et citoyen, de solidarité avec les victimes de l’attentat de Charlie-Hebdo et pour la liberté de la presse, à 17 heures sur le Parvis des Droits de l’Homme, à Bordeaux.
Dans le cadre de la journée de deuil national décrétée par le Président de la République, Alain Juppé a invité les Bordelais à un moment de recueillement le jeudi 8 janvier 2015 à 12 heures devant l’hôtel de ville. Les drapeaux ont été mis en berne.
Vendredi 9 janvier 2015, plus d’un millier de personnes, emmenées par des représentants des confessions musulmane, chrétienne, juive, dont le grand rabbin de France, ont défilé pour une marche œcuménique faisant le vœu d’un combat quotidien contre toutes formes d’extrémisme.
Ce vendredi, le CSA Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a demandé aux télévisions et aux radios »d’agir avec le plus grand discernement » pour assurer la sécurité de leurs équipes et ne pas gêner l’enquête.
La Marche de dimanche 11 janvier à Bordeaux a démarré place des Quinconces à 14h30 : 150 000 personnes ont défilé après avoir écouté et applaudi le beau discours de Pierre Sauvey; à regarder sur https://www.facebook.com/video.php?v=1572158169662470&fref=nf
4 millions de personnes sont descendus dans les rues de France et »tout s’est bien passé ». Si les divisions et le climat de peur sont palpables, ils sont attisés par la présence du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou parmi les dirigeants étrangers qui ont fait le déplacement pour la Marche de Paris.
Photos à Bordeaux de Jean-Pierre Muller AFP et une de Thierry David
Les attentats perpétrés par les frères Kouachi contre Charlie Hebdo et par Amedy Coulibaly à Montrouge et Porte de Vincennes, ont fait 17 victimes. Nous ne les oublierons pas.
Agent de maintenance de la société Sodexo, Frédéric Boisseau avait 42 ans. Policier chargé de la protection de Charb, Franck Brinsolaro avait 49 ans. Cabu, de son vrai nom Jean Cabut, avait 76 ans. Psychiatre et psychanalyste, Elsa Cayat avait 54 ans. Charb, de son vrai nom Stéphane Charbonnier, avait 47 ans. Honoré, de son vrai nom Philippe Honoré, avait 73 ans. Journaliste et économiste, Bernard Maris alias Oncle Bernard avait 68 ans. Policier, Ahmed Merabet avait 41 ans. Correcteur de Charlie Hebdo, Mustapha Ourrad avait 56 ans. Fondateur du festival Rendez-vous du Carnet de Voyage, Michel Renaud avait 69 ans. Tignous, de son vrai nom Bernard Verlhac, avait 57 ans. Georges Wolinski avait 80 ans. Policière municipale, Clarissa Jean-Philippe avait 26 ans. Cadre commercial dans une société de conseil en informatique, Philippe Braham avait 45 ans. Employé de le supermarché Hyper Casher, Yohan Cohen avait 23 ans. Etudiant à Paris et fils du Grand Rabbin de Tunis, Yoav Hattab avait 22 ans. Cadre supérieur à la retraite, François-Michel Saada avait 63 ans.
Plus d’infos sur
http://tempsreel.nouvelobs.com/charlie-hebdo/20150111.OBS9717/frederic-cabu-charb-ahmed-elsa-clarissa-yohav-philippe-les-17-victimes-des-attentats.html
Ce dimanche, la France est debout.
« Quand allons nous enfin privilégier la réflexion, l’esprit critique et l’intelligence de l’humour !!! L’ennemi c’est la bêtise, et au delà, la connerie. Il faut agir contre l’ignorance. Il faut que tous les gens, les parents et éducateurs civils et religieux aient la capacité d’instruire leur jeunesse. Le seul moyen de sortir de cet obscurantisme, c’est l ‘éducation, c’est la parole, c’est la discussion… 17 personnes ont payé de leur vie, 3 millions de citoyens ont marché en France et partout dans le monde, et… 21000 twitts ont revendiqué « je suis Kouachi », ils ne nous feront pas peur et la Nation leur montre son cul. Je vous aime et à très vite les amis. Carotte. » Elle joint la photo ci-dessous
Charlie à Paris le 16 janvier 2015 place de la République
La UNE de Charlie Hebdo le 14 janvier 2015
et le 23 janvier 2015 Les dessins et la Chine : Fluide Glacial répond :
Pékin n’a guère apprécié le dessin en Une du numéro de février 2015 de Fluide Glacial : « Péril jaune, et si c’était déjà trop tard ? » Indécent, estime le Global Times chinois écrit en anglais. La vogue de la liberté d’expression risque d’aggraver les conflits. Peut-être que ce magazine cherche à attirer l’attention du monde entier en suivant l’exemple de Charlie Hebdo.» «Rien à
voir, répond Yan Lindingre rédacteur en chef de Fluide Glacial. Notre numéro est bouclé trois semaines avant sa publication, donc bien avant l’affaire Charlie. Nous fêtons cette année les 40 ans du magazine. Pour l’occasion, on avait sollicité les organisateurs du festival d’Angoulême pour faire un grand événement. Ils nous ont répondu qu’ils étaient déjà occupés à recevoir une délégation chinoise. Le magazine a donc choisi de « déclarer la guerre de l’humour à la Chine » en faisant « de l’humour français à la sauce chinoise ». Je voulais ramener le numéro à la délégation chinoise et qu’on se marre avec eux, histoire de faire une bonne grosse blague, assure le rédacteur en chef de Fluide Glacial. En plus, ce numéro parle plutôt des clichés que véhiculent les Français sur les Chinois, il n’y a aucune analyse politique ou stratégique.» Et Yan Lindingre pointe une coïncidence malheureuse dans ce numéro : dans une BD signée Michaël Sanlaville, la rédaction de Fluide Glacial est attaquée à la mitraillette par des Chinois de l’Armée rouge venus capturer « l’essence » des dessinateurs français!! A ses critiques chinois, Yan Lindingre adresse un seul message : «Lisez-le, vous allez vous marrer ! »
Bof… bof
A Angoulême, le Festival de la BD le 31 janvier 2015
Le dessin de Diego Aramega
Le dessin de Wingz
Le dessin de Rebel Pepper : Celui qui a trois montres, c’est Jiang Zemin ; son concept des « Trois Représentations » désigne les trois forces du mot PCC Parti Communiste Chinois. « Trois Représentations » en chinois, se dit « san ge daibiao » et « daibiao » est un homonyme de « porter une montre ». D’où les trois montres qu’il a autour du poignet. A sa gauche c’est Mao. Celui qui porte deux chats, c’est Deng Xiaoping, qui aurait dit : « qu’importe que le chat soit noir ou blanc, pourvu qu’il chasse les souris », pour justifier sa politique pragmatique qui détonnait avec les principes communistes en cours alors. Celui qui porte un crabe, c’est Hu Jintao, qui soulignait la nécessité d’une société chinoise harmonieuse. Il y a un caractère dans le mot « harmonie » qui est homonyme du caractère qui signifie « crabe ».